Brexit : c'était prévisible, mais le retour du Royaume Uni dans l'UE est probable (1)

  • publiè le : 2016-06-28 23:56:00
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Brexit : c'était prévisible, mais le retour du Royaume Uni dans l'UE est probable (1)

(Photo d'archives pour illustrer l'article)

Les marchés financiers et les instituts de sondage n'ont pas vu venir à grand pas le Brexit voté à 51,9% le 23 Juin 2016. Le Royaume-Uni n'est plus au top de sa forme. Il a manqué au pays le regard critique, froid et scientifique sur la colère, la peur, le ressentiment, le découragement des électeurs britanniques face à leur première préoccupation que constitue l'immigration, qui a forcement un effet induit sur la question : le Royaume %u2013 Uni doit il rester membre de l'Union Européenne ou la quitter ?

Le Brexit était prévisible pour les dix (10) raisons suivantes :

1.Le Brexit est un état d'esprit en maturation, un processus nostalgique britannique en phase terminale en 2016. Dans The Daily Telegraph publié par Courrier International N°1337 du 16 au 22 Juin 2016, le Major-Général de l'armée britannique, Maugrée Tim Cross écrivait « Si un pays a besoin de Bruxelles, ce n'est en aucun cas le Royaume-Uni. Grâce à notre histoire et à nos échanges commerciaux , nous avons des intérêts, des liens et des amis sur tous les continents. Nous n'avons donc pas besoin de sous-traiter notre avenir à une organisation qui jongle entre 28 pays et se dirige inexorablement vers une union politique avec tout ce qui l'accompagne : une armée unifiée, un système de justice unifié, des politiques monétaires et économiques unifiées »

2. David Cameron, Premier Ministre et dirigeant du Parti Conservateur, qui a initié le référendum et mis sa démission dans la balance en 2015, Jeremy Corbyn, Chef du Parti Travailliste, William Haigh, ancien Ministre des Affaires Etrangères et Theresa May, Ministre de l'Intérieur étaient tous pendant des années eurosceptiques convaincus et adeptes de la sortie du Royaume-Uni de l'UE, aux yeux de tous les britanniques. Le retournement de veste, de discours et d'attitude de ces personnalités politiques, en faveur du maintien du pays dans l'UE est vexatoire, surprenant et frustrant. La transhumance politique dans une démocratie majeure telle que le Royaume %u2013 Uni est source de révolte, de désamour et de méfiance du peuple, pour lequel ce qui a été instauré par l'illusion de la suprématie, peut être réhabilité par la vérité de l'égalité à travers les urnes ;

3. Le Royaume-Uni est nostalgique de son passé, de son rayonnement en héros solitaire et jaloux de ses avancées démocratiques indéniables dans une Union Européenne dans l'impasse, en panne face à l'immigration des réfugiés, au terrorisme de masse et très loin de l'idéal des pères fondateurs qui consistait à privilégier la solidarité. La vision économique et financière à court terme prend le pas sur l'idéal politique, le sens de la solidarité, la vision de l'élargissement de l'espace européen à long terme et la culture du compromis ;

4. Dans son propre parti conservateur (les Torys), David Cameron est contredit par Boris Johnson, l'ancien Maire de Londres, partisan du Brexit. Il a le sens de la formule et le virus de la politique sur fond de contre vérité et d'ignorance des électeurs sur les lourdes et imprévisibles conséquences de la sortie de l'UE, donnant du grain à moudre à l'Irlande du Nord et à l'Ecosse en quête d'indépendance ;

5. Pendant la campagne, les partisans du Brexit se prenaient pour des bienfaiteurs qui avaient le monopole de la riposte, du mensonge, de la manipulation, de la violence verbale, de l'éloquence, du coeur, de la générosité et de l'intelligence d'être proches du peuple britannique au bon moment et au bon endroit. Même l'assassinat de Jo Cox, la députée travailliste n'a pas brisé leur élan de virulence contre l'immigration déferlante qui inonde l'occident ;

6. Le Brexit a commencé en 2015 dans l'esprit des citoyens britanniques là où débutaient la crise de la dette grecque et le bras de fer subséquent avec les technocrates de Bruxelles.. Au niveau de la pensée économique aux Etats Unis d'Amérique et en France, Alexis Tsipras a bénéficié de soutiens de taille dans sa fronde face aux mesures d'austérité de l'UE. Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'Economie en 2001 a indexé la responsabilité criminelle des dirigeants européens dans la crise de la dette grecque. Thomas Piketty, économiste français et auteur du capital du xxi siècle a demandé aux européens de penser urgemment à la restructuration de la dette grecque et à l'aménagement du remboursement ;

7. Le peuple britannique a subtilement, calmement observé et noté à distance la première erreur de l'UE consistant à battre campagne depuis Bruxelles pour le oui en Grèce, donnant à la Commission Européenne la mauvaise image et la réputation sulfureuse d'institution supranationale et technocratique au dessus des peuples et des nations;

8. Le peuple britannique a suivi de près la seconde erreur de l'UE qui était d'oublier que le non aux mesures d'austérité était prépondérant en Grèce. Se lancer dans une campagne contre Tsipras depuis le siège de la Commission Européenne ne faisait que renforcer son image auprès de l'électorat et des milliers de manifestants qui n'avaient pas la mémoire courte sur les incohérences de Bruxelles. En Novembre 2012, c'est précisément la même Union Européenne qui a promis d'aider la Grèce, malgré ses déficits publics en raison de ses bons résultats macroéconomiques ramenant le déficit public de plus + 15 % à 3% du PIB;

9. La troisième erreur de la Commission Européenne était d'avoir fait précipitamment une offre de dernière chance à la Grèce, comme si la sortie du pays de la zone euro n'était plus certaine bien qu'elle doivait 3,5 milliards d'euros à la Banque Centrale Européenne et 1,6 milliards d'euros au FMI, projetant de l'UE un aveu d'impuissance opposé à Tsipras qui ne voulait pas dissiper les crispations, ne voulait pas éviter les sujets qui fâchent, comptait afficher ses convictions pour passer à l'acte du référendum et en force;

10..La quatrième erreur était le chantage qui ne disait pas son nom. La Commission Européenne a proposé à Tsipras un accord de reformes contre argent frais, en vue de prolonger le plan d'aide pour éviter le défaut de paiement si la Grèce votait oui aux reformes lors du référendum du 5 Juillet 2015.

Le 12 Mai 2016, Mark Carney, le Gouverneur de la Banque d'Angleterre, dans son exposé sur l'état de l'économie britannique, a expliqué sans détour les implications du Brexit. Il a déclaré que

1.il y'aura la difficulté à financer l'énorme déficit de la balance de paiement du Royaume Uni ;
2. la livre subira la ruée ;
3. il y'aura une augmentation notable de l'inflation ;
4. il y'aura une baisse sensible de la croissance ;
5. le Brexit risquerait de basculer une économie déjà affaiblie dans la récession.

Au plan politique, l'Ecosse et I'Irlande du Nord envisagent de consolider leurs relations au sein de l'UE. Les deux pays pourraient précipiter le référendum d'indépendance, privant le Royaume-Uni, cinquième puissance économique mondiale de ses avantages comparatifs. Il n'est pas exclu que le Royaume-Uni, prenant conscience et la mesure du coût énorme et des impacts négatifs d'un Brexit, au plan politique, financier, économique, commercial, maritime, de la sécurité, de la protection de l'environnement contre le changement climatique, de la libre circulation des biens, des personnes et des flux financiers, de l'aspiration profonde de sa jeunesse qui se considère européenne et a voté massivement pour le maintien du pays dans l'UE, finisse par y renoncer dans les semaines, les mois ou les années à venir.

Laurent Maurice Kouakou
Chroniqueur Expert Consultant
source : Afrikipresse.fr

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