Depuis le décès du président Félix HouphouëtBoigny, la Côte d'Ivoire se cherche un leader et un bâtisseur de la carrure et du charisme du père-fondateur. Homme de paix et de dialogue, il arrivait avec brio à rassembler la majorité de la classe politique, tout en se distinguant par son génie. A l'heure où les leaders politiques se livrent déjà une guerre de tranchées en raison de la présidentielle à venir, les ivoiriens cherchent leur "deuxième'' Houphouët. De ses "grands'' qui animent la scène politique dans un décor de pugilat, qui sortira du lot afin de combler cette nostalgie?

Tous s'accordent à dire aujourd'hui que le père-fondateur était un grand dirigeant. Mieux, l'houphouëtisme est le nouveau concept politique à la mode en Côte d'Ivoire. Chaque parti en revendique l'héritage ou du moins une partie. Pour preuve, chacun des présidents successifs a, à un moment ou l'autre, dit marcher dans la droite ligne du Bélier de Yamoussoukro. C'est à croire que le président Félix Houphouët-Boigny est le maître à penser des politiques actuels. Cela participe-t-il d'une stratégie? Car les Ivoiriens sont nostalgiques de l'ère Houphouët ?

Plus d'une décennie de crises socio-politiques, avec leurs corollaires d'instabilité de tout genre, ont nourri ce sentiment. Avec le père de l'indépendance, c'était la paix, le dialogue, la stabilité et le miracle ivoirien. Grand rassembleur et fin stratège, il arrivait à se démarquer de ses adversaires; à sortir la tête de l'eau avec panache. Cette technique a évité, ou du moins atténué, les crises de l'époque. Alors qu'avec ses successeurs respectifs, que de péripéties. Coup d'Etat, rébellion, prison, charniers... Bref, le climat socio-politique est chaud bouillant. Traumatisés, les Ivoiriens ont peur de revivre ces moments qui pourtant datent d'hier seulement.

Ils cherchent, voire espèrent, l'homme providentiel pour se rassurer. Ce politicien rassembleur qui saura se départir des ambitions égoïstes et de celles de son clan, afin de voir l'intérêt supérieure de la nation. Ce leader ouvert au dialogue et épris de paix, acceptant la contrariété des positions. Cependant, les attitudes et langages des leaders des partis ne sont pas rassurants. Pis, invectives, menaces, emprisonnement, assassinat, tensions communautaires....ont refait surface. Et cela, de toutes parts. C'est à croire que la présidentielle à venir a réveillé tous les vieux démons. Les amis d'hier sont devenus des ennemis aujourd'hui. Sur cette lancée, certains ont des présages sombres.

« Mon pays la Côte d'Ivoire risque à nouveau de brûler», indiquait Guillaume Soro, candidat déclaré à cette échéance, par ailleurs président de Générations et peuples solidaires. Du côté du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), c'est le même son de cloche. « L'heure est grave. Nous assistons à des dérives dangereuses et totalitaires qui menacent notre chère république », déclarait son président, Henri Konan Bédié, à Yamoussoukro. Les anciens alliés du président Alassane Ouattara ne sont plus en odeur sainteté avec le pouvoir d'Abidjan. Et, ils l'expriment de façon virulente. Quant au président du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), il « avance», sans l'opposition, et est convaincu qu'il y « aura rien donc les Ivoiriens ne doivent pas avoir peur ».

Malgré cela, les Ivoiriens ne sont toujours pas rassurés. Et au sein de son parti, une crise de succession et de leadership risque de le fractionner. En ce qui concerne le Front populaire ivoirien, le tableau n'est pas plus reluisant. Scindé en deux, le parti à la rose cherche aussi à se consolider. Pro-Gbagbo et pro-Affi se regardent du coin de l'oeil, non sans lancer des critiques acerbes et alarmantes contre le régime.

Les autres partis de l'opposition, notamment Liberté et démocratie pour la République, de Mamadou Koulibaly, ne sont pas en reste quant aux signaux de conflits. Ils sont confortés en cela par certains observateurs nationaux et internationaux. La présidentielle de 2020 a fait resurgir toutes les passions. Toutes ces prévisions et tensions ont ravivé encore plus le besoin pour les Ivoiriens d'avoir le leader. L'homme du sacrifice et du don de soi. Celui qui pense d'abord et avant tout à son peuple. La cohésion et le développement étant son leitmotiv. Dans cette guéguerre pour occuper le fauteuil de président, ce "messie'' devra se mettre au dessus de la mêlée. Aussi, qui parmi ces leaders politiques pourra endosser ce rôle? Sortir des ressentiments et autres belligérances pour être un "père'' pour la nation toute entière.