La machine du développement de Sahabo, village de la commune de Yamoussoukro, situé à une dizaine de kilomètres de la capitale politique et administrative s'alourdit de jour en jour.
Sur l'axe routier Yamoussoukro- Bouaflé, ce gros village d'environs cinq mille ( 5000) âmes, tuteur de la Gestoci, entreprise de stock de pétrole, s'arme au quotidien pour tracer les sillons du développement.
Mais les stratégies mises en place par les têtes pensantes et les acteurs de développement dans leur ensemble semblent manquer de tonus. Les machines choisies des mains de maîtres et de profanes manquent d'huile pour l'alimentation du moteur.
Si l'huile est au niveau requis, on pourrait penser à la non qualification de certains de ses conducteurs.
La fraternité fragilisée par les intérêts individuels.Tout visiteur ayant connu Sahabo dans les années 1960, se croirait aujourd'hui face à un tableau peint par un peintre amateur, dépourvu d'accessoires de travail. Quand on foule le sol de ce village, construit de toutes pièces par ces sages chasseurs, on a de souvenirs que la solidarité, la vraie fraternité et la cohésion qui régnaient entre les grandes familles qui peuplent ce village.
« Tous nos ancêtres mangeaient dans la même assiette. Ce qui appartient à Nanan KONGOUET, appartient aussi à Nanan Titi. Mon fils, je suis au soir de ma vie. Mais, ce que je vois me fais dire qu'après nous, vous allez vivre comme les blancs. C'est dommage >>, Nanan N'Guessan M'BRA, chef du village de 1958 à 2016, prononçait ces mots en octobre 2015, deux mois avant son dernier souffle de vie.
Ces paroles, loin d'une prophétie sont aujourd'hui, une réalité palpable que vit les populations de Sahabo.La fraternité au vrai sens du terme a effectivement foutu le camps. La calomnie animée par les intérêts mesquins sont aujourd'hui les maîtres mots de ce village.
<> a affirmé Kouadio Emmanuel, cadre de Sahabo au cours d'un entretien à son domicile en octobre 2021.
Au delà des considérations politiques, la question du foncier devient une arme fatale pour les populations ivoirienne en général et celles de Sahabo en particulier.
La quasi-totalité des conflits qui ralentissent le développement tirent leur source de la mauvaise gestion des terres. À Sahabo, toute personne peut s'autoproclamer propriétaire terrien et faire usage de des terres à sa guise, créant ainsi des discordes à n'en point finir entre les familles.
Ici, on se rend compte que N'Guessan Georges, fils de Sahabo, grand acteur de développement, bâtisseur de Sahabo moderne, l'un des premiers collaborateurs de feu Félix Houphouet Boigny, est vraiment mort.
Incivisme, galère et insécurité au quotidien.On pouvait passer une quinzaine de minutes, rester inerte, défiler le regard du bas vers le haut du mat pour suivre avec amour et admiration la montée du drapeau Orange blanc vert. Ces populations de l'époque d'avant cette nouvelle génération faisait la fierté du village à travers le respect des symboles de la république et le respect de l'autorité traditionnelle. Enfants, jeunes et vieux, tous avaient un profond respect pour tout ce qui incarnait l'image de la terre de leurs ancêtres. L'organisation du village au couleurs de la tradition était tellement bien faite au point où sa gestion n'exigeait pas un grand niveau intellectuel.
Nanan N'Guessan M'BRA, le défunt chef du village a dirigé ce village pendant 58 ans, sans contestation. C'est au soir de sa vie que les esprits malins nés pendant sont reigne, sont devenus majeurs . Ceux-ci n'ont aucun respect pour la chose culturelle, aucun respect pour l'autorité de l'État, ils foulent au pied tout ce qui régit la bonne organisation de la société. << On dit que nous les jeunes on ne respectent pas nos aînés, on ne respectent pas les autorités villageoises, on ne respectent personne. C'est pas faux mais ça dépend de leur comportement. Quand tu te respecte, on te respecte>> K.A l'a affirmé sans faux fuyant au cours d'un échange sur la plateforme " Sahabo Mon Village" dans la Rubrique " Lalafouènou".
La galère,oui la galère occupe une place non des moindres dans le quotidien des populations de Sahabo. Les activités agricoles sont toujours de mise dans ce village où la règle d'or est "Ne jamais compter sur quelqu'un, bats toi et Dieu t'aidera". Mais les bénéfices des productions ne sont pas rétribués en tenant compte des efforts des producteurs. Les producteurs n'ont pas droit au repos, ils fournissent plus d'efforts qu'il le faut mais restent de malheureux perdants.
<< Personnes ne peut accuser les jeunes de Sahabo de paresseux. On travaille, on se bat, on mobilise toutes les ressources nécessaires pour l'atteinte de nos objectifs. Mais au finish, on ne gagne rien. Nous on a la chance d'avoir un boulot respectable en ville.Sinon, comment pouvez vous comprendre que nos jeunes frères et soeurs font des hectares et des hectares de tomates et autres cultures maraîchères. Mais en fin de saison, se retrouvent avec des dettes inimaginables ? >> s'interroge Jackson.M, président des jeunes de Sahabo.
Nanan KONGOUET II décédé, la panne accentuée.Les grandes douleurs sont muettes, a t-on coutume de le dire. Les populations de Sahabo, sont étreintes de douleurs depuis le samedi 11 décembre 2021. Mais sont interdites de pleurer parce que le décès du chef n'est pas encore officiellement annoncé.
Akoudèkanmmi", la rivière à proximité de l'ancien village est débordée de larmes depuis ce samedi noir. Au delà des frontières du village , parents, amis et connaissances sont attristées.
Les populations n'arrivent toujours pas à accepter la disparition de leur chef.
Nanan n'est plus, une triste réalité qui soulève des vagues de commentaires.
<< Dieu ne peut pas nous faire ça. Avec toutes ces difficultés qu'on a eu a trouver un successeur à notre défunt chef Nanan N'Guessan, M'BRA, comment il peut nous arracher encore Marcellin, aussitôt et de cette manière ? Je suis sous le choque >> a affirmé Koffi.K, un cadre du village.
La nouvelle, comme une traînée de poudre s'est répandue dans le pays , tôt le matin aux environs de 8 heures, quelques minutes peu après l'accident.
De son nom, Kakou Yao Marcellin à l'état civil, Nanan KONGOUET II, revenait d'une veillée de prière qui s'est tenue la nuit du vendredi à samedi à Yobouekro sur l'axe Yamoussoukro-bouaflé, village de la sous-préfecture de Yamoussoukro.
C'est peu avant le village de Zatta, que le chef du village de Sahabo va rendre son dernier souffle.
L' instititeur retraité, plein de vie, au volant de son véhicule, va croiser la mort. C'est un gros camion, en provenance de la capitale administrative et politique qui décharge son poids mortel sur le fils des DIWA.
Le choque a été d'une violence inqualifiable. Malgré, les premiers secours en attendant l'arrivée des sapeurs pompiers de Yamoussoukro, le chef du village de sahabo succombe à ses blessures.
Le "grand arbre" s'est couché, le développement de Sahabo vient de prendre un coup fatal.
L' accession de Nanan KONGOUET II à la tête du village, après le décès de Nanan N'Guessan M'BRA a suscité plusieurs réactions. Les agissements des clans idéologiques ont ouvert un conflit qui ont failli créer une fossé entre les familles.Mais très tôt circonscrit avec les interventions d'anciens et gardiens de la tradition. Sahabo pouvait désormais amorcer son développement.
Lors d'un échange avec ivoirtv.net, le lendemain de son intronisation, en Août 2018, Nanan KONGOUET II a appelé l'ensemble des fils et filles de Sahabo à l'union sacrée pour le développement du village. << Les querelles intestines sont terminées. On peut développer notre village que si chacun se met la main à la pâte.Seul le pardon et la paix peuvent nous conduire au développement>> a t-il indiqué.
Après cette intronisation, de beaux jours se sont présentés au village. Le développement a pris son envol à travers la présentation officielle du président de la mutuelle développement ( MUDESA), KOFFI Toussaint et l'implantation de l'entreprise d'entretien routier NSE qui a permis à plusieurs jeunes désoeuvrés de s'insérer partiellement dans le tissu professionnel.
La question de la gestion foncière était également au coeur du plan d'action de développement.
Même si elle n'a pas été abordée en tenant compte de toutes les sensibilités; chose qui a été déplorée, il est à reconnaître que sous l'impulsion de Nanan KONGOUET II, plusieurs initiatives ont été prises pour le bien-être des populations.
La dernière rencontre de la chefferie avec l'équipe dirigeante de la mutuelle de développement témoigne de la bonne foi du chef à concilier les positions pour le bon déroulement des actions de développement.
Hélas, Nanan ne pourra pas dérouler toutes ces actions de développement , qui si elles sont réalisées avec l'implication de toutes les populations, devraient permettre Sahabo de sortir de l'eau.
Cette disparition inattendue est-elle liée à un destin ? La méchanceté humaine est-elle aussi à la based la disparition de l'héritier des KONGOUET ?
La suite des événements permettra certainement de répondre à ces différentes interrogations. Mais pour l'heure, il est à retenir que la machine de développement est en panne.
auteur : François M'BRA II