Le palais présidentiel de Yamoussoukro résulte de ce que l'on pourrait qualifier sous les tropiques de "folie'' des grandeurs du premier président de la république de Côte d'Ivoire, Félix Houphouët-Boigny. Architecture contemporaine bâtie dans sa ville natale ! Meubles et lustres futuristes ! Hormis le lac aux crocodiles qui gît à l'entrée du domaine, ledit palais reste énigmatique. La visite officielle de SEM Ali Bongo Ondimba, président du Gabon en Côte d'Ivoire en novembre 2014 aura été l'instant de découverte de cette oeuvre. Gros plan sur les attraits de la résidence du président Félix Houphouët-Boigny.

Le palais présidentiel de Yamoussoukro, oeuvre de l'architecte français Olivier-Clément Cacoub, a été construit à la demande du président-fondateur de la République de Côte d'Ivoire Félix Houphouët-Boigny (c'est dans ce palais que se trouve le caveau familial où il est inhumé).

Clôturé de vingt-deux kilomètres (22 km) de l'enceinte qui entoure le site originel du village N'Gokro, et bordé de la mare aux crocodiles sacrés, son entrée principale est flanquée de part et d'autre de deux béliers grandeur nature, référence au totem du maître de céans. Le bâtiment construit sur six étages%u2013ascenseurs y compris %u2013 est d'architecture contemporaine. La parcelle de terrain sur laquelle il est érigé se scinde en deux au niveau de « l'allée aux caïmans », entourée de rambardes métalliques et de palmiers gracieux. A gauche, à l'intérieur du palais se trouve le caveau de la famille «Boigny». Il fut un temps question d'en faire un musée dédié à la mémoire du défunt président, mais il semble que ce projet soit aujourd'hui en stand-by.

Selon Nanan Kplé Augustin ou Thiam Augustin, 9ème chef de la tribu Akoué du village de N'gokro, successeur du président Félix Houphouët- Boigny et guide %u2013 pour la circonstance %u2013 lors de la visite, le président Félix Houphouët-Boigny vivait dans la dernière partie de cette titanesque maison. Demeure qui appartenait plus à sa famille et à ses hôtes qu'à lui. Il venait se restaurer au rez-de-chaussée. Sa maison privée ne comprend que trois (3) chambres. Sa chambre est monacale (sombre comme celle d'un moine). Personne ne peut imaginer qu'un homme aussi puissant et riche que lui ait pu résider dans une chambre aussi simple.



Félix Houphouët-Boigny, le serment de son enfance

N'gokro est le nom d'un des oncles, du côté maternel, de Félix Houphouët-Boigny, premier président de la Côte d'Ivoire. Derrière l'édifice abritant le palais présidentiel, du côté droite, un espace en forme de carré qui, initialement était la place centrale du village de N'gokro primitif (Ndlr : l'espace est interdit de prise d'images). A l'origine, Yamoussoukro s'appelait N'gokro. A cet endroit, l'on retrouve des fleurs et tout à fait au bout de ce carré verdoyant, un arbre appelé localement le "Kpakpa''. Cet arbre représentait le fétiche du village de N'gokro. C'est sous cet arbre qu'à l'âge de 5 ans, le président Félix Houphouët-Boigny aurait prêté le serment de ne "jamais verser le sang humain''.



Le Caveau familial, l'histoire de Boigny en 24 pages

Le Caveau familial est construit au sous-sol et au dessus de la chapelle familiale. Au coeur de ce caveau climatisé de la famille Boigny, on dénombre vingt-quatre (24) tombes dont vingt (20) occupées notamment de Félix Houphouët-Boigny (FHB), de ses frères et secours, grandes tantes, tantes et nièces, neveux et enfants.







Après deux marches sur la droite, l'on découvre, hébété, la tombe du président Félix Houphouët-Boigny surmonté d'une grosse croix faite de perles. Une fois sur la tombe du 1er président de la République de Côte d'Ivoire, notre guide de conseiller : « voici la tombe du Président Félix Houphouët Boigny. Vous pouvez vous incliner, vous pouvez prier ou vous recueillir. Félix Houphouët-Boigny repose là depuis le 7 décembre 1993 ».



A l'intérieur du caveau, tout a été réalisé par le président Houphouët-Boigny. De la disposition des tombes à l'emplacement des individus. Sont disposées au centre du caveau, quatre (4) tombes où reposent N'dri Augustin, le frère du président Houphouët-Boigny, puis juste à côté, Félix junior, fils aîné de FHB qui est mort à l'âge de 10 ans et suit la mère du président Houphouët-Boigny appelé Kimou N'dri Kan. A des rares exceptions près, souligne le successeur de Félix Houphouët-Boigny, quelques membres de la famille maternelle sont inhumés dans ce caveau. Il faut savoir qu'à Yamoussoukro, ne réside que la famille maternelle du Félix Houphouët-Boigny.



La famille paternelle quant à elle

, réside à Didiévi, de la tribu N'Zipri. Le patronyme "Boigny'' %u2013 ce patronyme signifie en langue vernaculaire "Baoulé'' : bélier %u2013 viendrait de sa famille maternelle et "Houphouët'', du nom de son père N'doly Houphouët. C'est après avoir été élu député que, sur son chemin pour aller siéger à l'Assemblée constituante française en France, à l'une escale à Dakar au Sénégal, le président Félix Houphouët-Boigny crée le nom "Houphouët-Boigny''. Combinaison des deux (2) patronymes. De ce fait, tous les membres de la famille maternelle, descendant de feu "Boigny N'dri'' peuvent accoler, s'ils le veulent, le patronyme "Boigny'' à leur patronyme originel. « Par exemple, si je le voulais demain, je pourrais faire Thiam-Boigny. Il suffit de descendre de notre ancêtre commun Boigny N'dri qui, avec Kôkôblé %u2013 Kôkô La noire, a créé toute notre descendance », a fait comprendre Thiam Augustin devenu Nanan Kplè Augustin (par ailleurs Gouverneur du District de Yamoussoukro).





De l'autre côté,

on a les tombes de Houphouët Ahou, la soeur germaine -de même père %u2013 que Félix Houphouët-Boigny. C'est de cette dernière que sont issus tous ceux qui portent le patronyme "Aka'' dans cette grande famille. Aka Lambert, Aka Boni et autres. Parce qu'à l'origine, ce sont quatre (4) soeurs et deux frères de même père et mère. Elle était la soeur aînée de même père que feu le président Félix Houphouët-Boigny. Mamie Djénéba Cissé est une cousine germaine de Félix Houphouët Boigny. La mère de celle-ci était la soeur de même mère de mon oncle Nanan Félix Houphouët-Boigny. De ce côté-ci, il y a Madame Tola Yamousso, la mère de Marie Thérèse Yamousso.

Jouxtant cette dernière, se trouve la tombe de Florence Houphouët-Boigny, dernière fille de Félix Houphouët-Boigny à être inhumée dans le caveau, depuis 2007. A côté d'elle, se trouve la tombe de Nanan Kouassi N'gô, le dernier chef canton, lui aussi cousin germain du président Félix Houphouët-Boigny. Il était le fils d'une des soeurs de la mère d'Houphouët-Boigny. A cet endroit, il y a Houphouët Kan Augustin, le frère cadet du président Houphouët-Boigny. Sur cinq tombes, trois sont occupées par les épouses de notre grand-père. Les deux autres ont accueillis Mamie Faitai et Mamie Adjoua (les deux grandes soeurs du président Houphouët-Boigny).



En outre, le seul qui a été enterré dans le caveau et qui n'est pas membre de la famille est monsieur Pokou Koffi. Il était le garde de corps, en réalité, l'homme à tout faire du président Félix Houphouët-Boigny. De son vivant, c'est lui qui a fait enterrer ce dernier (Pokou Koffi) dans le caveau. Le président Félix Houphouët-Boigny disait en rigolant que même dans la mort, Pokou Koffi continue à garder la porte.



On note aussi la tombe de Kimou M'brah,

la mère de Nanan Kouassi N'gô. Particulièrement Yah Blé mère de Mamie Djénèba n'est pas inhumée dans le caveau. Pour la petite histoire, quand vous vouliez avoir quelque chose de Félix Houphouët-Boigny, il fallait passer par Mamie Faitai. Parce qu'il ne lui disait jamais non. Soit dit en passant, dans le caveau, il y a des N'diaye, des Sow, des Cissé etc.

Au niveau de la famille Boigny, les barrières ethniques avaient déjà été transcendées, la famille avait dépassé les débats sur l'ivoirité. A titre illustratif, Mamie Djénéba était musulmane et Mamie Faitai, quant à elle, catholique. Le clivage religieux avait aussi été transcendé. "Le problème de la Côte d'Ivoire n'est ni un problème religieux, ni une question tribale : c'est un problème politique », a regretté Nanan Kplè Augustin, chef du village de N'gokro.



La Chapelle familiale, les pieds sur la tombe, à l'intérieur du Palais Présidentiel

Composée de 70 sièges, la chapelle familiale des "Boigny'' affiche une construction exotique avec une croix et un crucifix qui surplombe tout le domaine. A l'intérieur, le siège, la Bible ainsi que tous les documents religieux qu'utilisait Félix Houphouët-Boigny sont restés en l'état. Rien, confie Nanan Kplè Augustin n'a été déplacé. Le président Félix Houphouët-Boigny, à bien des égards, paraissait un « étrange personnage ».

De son siège dans la chapelle, Félix Houphouët-Boigny avait exigé à son architecte Olivier-Clément Cacoub de réaliser quelque chose d'insolite. Nanan Félix Houphouët-Boigny avait demandé de dresser son siège juste au dessus de sa tombe dans le caveau, de sorte que lorsqu'il est assis dans ce siège, qu'il se tienne directement sur sa tombe. "Quand Félix Houphouët-Boigny venait prier, il se tenait sur sa tombe. Cette chaise a les pieds directement posés sur sa tombe. Pourquoi l'a-t-il fait ainsi ? On ne le saura jamais », s'interroge le guide du jour, Nanan Kplè Augustin.





Plus de 200 caïmans sacrés, protection divine du palais présidentiel

Le lac compterait quelque 200 caïmans que le président Félix Houphouët-Boigny a fait importer d'Amérique latine et, à voir leur masse imposante et leurs crocs acérés, ils n'hésiteraient pas de se délecter de visiteurs imprudents ou baigneurs récalcitrants qui franchiraient le "Rubicon de la mort " et finir en apéricubes pour ces sauriens affamés.

Du vivant du président Félix Houphouët-Boigny, au crépuscule, les touristes et badauds se rassemblaient à l'entrée du palais pour assister au festin meurtrier des monstrueux sauriens. Le goûter des caïmans, composé de portions de viande saignante et/ou, pour impressionner les touristes lorsqu'il y en avait, de poulets balancés vivants dans la fosse. Pour s'acquitter de cette tâche périlleuse, Félix Houphouët-Boigny avait à l'époque fait venir plusieurs "Bozo'' (pêcheurs originaires du Mali).

Pendant 36 ans, c'est le vieux Dicko Toké, gardien attitré des caïmans sacrés décédé dans des circonstances tragiques en août 2012 (déchiqueté par ces bestioles), qui a assuré cet étrange rituel. Au moment de sa mort, il était en train de former son fils au métier. Un métier qu'il avait lui-même appris de son père.

Félix_Houphouët-BoignySurnommé le « Commandant » ou « Chef de cabinet », le plus âgé et le plus hargneux des caïmans, aurait été offert au président Félix Houphouët-Boigny par Modibo Keita, premier président du Mali indépendant. La légende raconte aussi qu'il ait accueilli l'âme de son défunt propriétaire à la mort de celui-ci. Une légende urbaine qui renforce encore davantage le caractère sacré des caïmans, gardiens du mystérieux palais présidentiel de Yamoussoukro.



Par P. KROU, envoyé spécial à Yamoussoukro for afriquematin.net