La contestation de l'article 48-1 du Code de la nationalité ivoirienne s'intensifie. Cette disposition qui retire automatiquement la nationalité aux binationaux fait débat.
L'article 48-1 du Code de la nationalité ivoirienne revient sur le devant de la scène à travers une lettre ouverte signée par Jean Bonin. Cette disposition stipule qu'un « Ivoirien majeur perd automatiquement sa nationalité lorsqu'il acquiert volontairement une nationalité étrangère », rendant ainsi impossible la double nationalité pour les ressortissants ivoiriens.
Cette règle, relativement discrète dans le débat public jusqu'à présent, produit des effets concrets sur la vie de nombreux Ivoiriens établis à l'étranger. Ces derniers se retrouvent souvent déchus de leur nationalité d'origine sans en être officiellement informés, dès lors qu'ils obtiennent la citoyenneté de leur pays d'accueil.
Dans un monde de plus en plus globalisé, où la mobilité internationale s'intensifie, cette disposition apparaît comme anachronique aux yeux de ses détracteurs. Plusieurs pays africains, dont le Sénégal, le Ghana ou encore le Togo, ont révisé leur législation ces dernières années pour permettre la double nationalité, reconnaissant ainsi la réalité des parcours migratoires contemporains.
Des enjeux identitaires et économiques
La question soulevée dépasse largement le cadre juridique pour toucher à des aspects identitaires profonds. « La nationalité n'est pas qu'un statut administratif : c'est un lien du coeur, de l'âme et du sang. Un lien que ni la distance, ni un passeport étranger ne sauraient rompre », souligne Jean Bonin dans sa lettre adressée au Président de la République et aux parlementaires.
Cette dimension affective se double d'enjeux économiques considérables. La diaspora ivoirienne contribue de manière significative à l'économie nationale à travers les transferts de fonds, qui représentaient près de 3% du PIB en 2023. Ces Ivoiriens de l'étranger investissent également dans l'immobilier, créent des entreprises et maintiennent des liens commerciaux avec leur pays d'origine.
Pourtant, l'acquisition d'une autre nationalité les prive théoriquement de leur statut d'Ivoirien, créant une situation paradoxale où ces contributeurs économiques se voient juridiquement exclus de la communauté nationale. Cette contradiction nourrit un sentiment d'injustice parmi les membres de la diaspora, qui revendiquent la reconnaissance de leur double appartenance culturelle et nationale.
Vers une réforme adaptée aux réalités contemporaines
Le plaidoyer de Jean Bonin propose une approche nuancée de la réforme, préservant certaines restrictions pour les fonctions régaliennes. Il considère « légitime d'exiger qu'un président de la République ne détienne que la nationalité ivoirienne », reconnaissant les impératifs de « loyauté absolue » et « d'allégeance exclusive » associés à cette fonction.
Cette position médiane pourrait constituer une base de compromis pour faire évoluer la législation sans heurter les sensibilités liées à la souveraineté nationale. Elle s'inscrit dans une tendance observée dans plusieurs pays qui ont opté pour des modèles différenciés, autorisant la double nationalité pour la majorité des citoyens tout en maintenant des restrictions pour certaines fonctions politiques ou militaires.
La question s'invite dans le débat public à un moment où la Côte d'Ivoire cherche à consolider son développement économique et à renforcer son rayonnement international. La mobilisation de toutes les forces vives de la nation, y compris celles établies à l'étranger, apparaît comme un levier stratégique dans cette perspective.
« La Côte d'Ivoire a besoin de tous ses enfants. De ceux d'Abidjan, de Bouaké et de Daloa, comme de ceux de Paris, de New York ou de Montréal », affirme l'auteur de la lettre, appelant à un « acte d'unité nationale » à travers la réforme de cet article.
Cette initiative s'ajoute aux voix qui s'élèvent régulièrement pour demander une modernisation du Code de la nationalité ivoirienne. Si elle aboutissait, cette réforme pourrait renforcer les liens entre la Côte d'Ivoire et sa diaspora, tout en facilitant le retour et l'investissement de compétences ivoiriennes formées à l'étranger.
source : yeclo.com