La conférence de presse tenue le 11 décembre 2024 à Paris par Michel Mognon, président du Mouvement de Soutien aux Actions du ministre Ahoua Don Mello (MSA-ADM), a jeté un pavé dans la mare au sein du paysage politique du PPA-CI. Cet événement, officiellement présenté comme une initiative indépendante, semble raviver des tensions sous-jacentes entre les partisans de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et ceux d'Ahoua Don Mello, vice-président exécutif du parti. À moins d'un an des échéances présidentielles, ces dissensions internes, bien que feutrées pour l'instant, laissent entrevoir un avenir incertain pour le PPA-CI.
Le contexte politique actuel joue un rôle central dans ces tiraillements. Alors que Gbagbo a été désigné candidat du parti lors de la convention du 10 mai 2024 à Abidjan, sa radiation de la liste électorale continue de poser problème. Incapable, en l'état actuel, de se présenter légalement à l'élection présidentielle de 2025, son absence a ouvert la voie à des spéculations sur la nécessité d'un "plan B". Pour certains militants proches d'Ahoua Don Mello, leur leader apparaît comme le recours évident en cas de non-participation de Gbagbo.
Cependant, cette hypothèse n'est pas du goût de tous. Lors d'une rencontre le 23 novembre 2024 avec des jeunes militants à Mama, Laurent Gbagbo a été catégorique : il reste le candidat unique, le "plan A à Z" du PPA-CI. Cette déclaration, lourde de sens, était destinée à couper court à toute tentative de remise en question de sa suprématie au sein du parti. Mais, pour certains observateurs, elle révèle également une méfiance envers ceux qui, dans l'ombre, envisageraient un scénario alternatif.
Des sources proches du camp d'Ahoua Don Mello confient à KOACI que ce dernier, fidèle à la discipline du parti, aurait demandé à ses soutiens de ne pas réagir aux accusations de déstabilisation. Une posture qui reflète son attachement à l'unité du PPA-CI, mais qui ne satisfait pas certains de ses partisans. "Jusqu'à quand devrons-nous garder le silence face à ce que nous considérons comme une injustice ? Pourquoi notre leader est-il toujours mis en retrait ?", s'interroge un proche de Don Mello sous couvert d'anonymat. Ces frustrations, bien qu'encore contenues, pourraient éclater à mesure que l'échéance électorale se rapproche.
De leur côté, les partisans de l'ex prisonnier de la cour pénale internationale (CPI) campent fermement sur leurs positions. Pour eux, aucun autre nom ne saurait remplacer celui de l'ancien président. "Gbagbo est notre candidat, point final. Ceux qui cherchent à le remplacer trahissent l'esprit du parti", affirme un cadre influent du PPA-CI. Cette intransigeance, si elle renforce la cohésion autour du natif de Mama, risque néanmoins d'aggraver les tensions avec ceux qui estiment qu'Ahoua Don Mello mériterait une chance de représenter le parti.
L'organisation de la conférence de Paris, dénoncée par la représentation PPA-CI France comme une "manoeuvre perturbatrice", illustre cette dualité croissante. Officiellement, l'événement n'était pas lié au parti, mais son timing, à 11 mois des élections, interroge. Était-ce une tentative de mettre en avant Ahoua Don Mello comme une alternative crédible ? Ou simplement un rassemblement mal interprété par la direction du PPA-CI ?
Quoi qu'il en soit, cette polémique met en lumière une réalité inquiétante : l'unité du PPA-CI est mise à rude épreuve. Les divergences stratégiques entre les pro-Gbagbo et les pro-Don Mello, pour l'instant discrètes, pourraient se transformer en un véritable schisme. Les deux camps, bien qu'appartenant à la même formation politique, semblent suivre des agendas différents.
L'enjeu, pour le PPA-CI, sera de trouver un terrain d'entente avant que ces dissensions n'éclatent au grand jour. Une division interne à ce stade serait fatale pour le parti, d'autant plus que l'opposition et les rivaux politiques ne manqueront pas d'en tirer profit. Si l'ancien codétenu à la CPI de Charles Blé Goudé demeure le pilier incontesté du Parti des Peuples Africains-Côte d'Ivoire, l'avenir de sa candidature dépendra de facteurs juridiques échappant à son contrôle. Dans ce contexte, le PPA-CI devra rapidement clarifier sa stratégie pour éviter de sombrer dans une guerre fratricide.
Les prochains mois seront déterminants. La question n'est plus seulement de savoir si Laurent Gbagbo pourra effectivement se présenter, mais aussi si le PPA-CI, qui peine à obtenir 10% dans les urnes à ce jour sur le plan national au regard des dernières locales, saura préserver son unité face aux ambitions contradictoires de ses figures majeures.
À suivre.
Jean Chresus, Abidjan
source : koaci.com