Le mardi 25 février 2025, la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) a diffusé une émission intitulée « Le Débat Politique », centrée sur le thème : « Présidentielles 2025 : Pourquoi la révision de la liste électorale divise ? ». Ce programme réunissait des représentants de la Commission Électorale Indépendante (CEI) et des principaux partis politiques du pays, notamment le PDCI-RDA, le PPA-CI et le RHDP.
Cependant, l'émission, initialement prévue pour durer 90 minutes, a été brusquement interrompue à la 39e minute. La représentante de la CEI, Me Yapobi Yolande, a quitté le plateau après une intervention du représentant du PDCI-RDA, qu'elle a jugée inappropriée. Cet incident a suscité une vive polémique et a conduit à l'arrêt prématuré du débat.
Suite à cet événement, la direction de la RTI a publié un communiqué officiel le 26 février 2025, exprimant ses regrets quant à l'interruption de l'émission. Elle a souligné que la controverse était née d'une question relative à la participation de deux représentants de la CEI, qui devaient intervenir séparément au cours du programme. La RTI a réaffirmé son engagement envers la transparence, l'équité et le respect des principes du débat démocratique, tout en présentant ses excuses aux téléspectateurs pour cet incident.
Cet incident met en lumière les tensions persistantes entourant la révision de la liste électorale en Côte d'Ivoire, à l'approche des élections présidentielles de 2025. Il souligne également l'importance d'un dialogue respectueux et constructif entre les différentes parties prenantes pour assurer un processus électoral transparent et apaisé.
L'incident survenu lors du débat organisé par la RTI sur la révision de la liste électorale, avec le départ précipité de la représentante de la Commission Électorale Indépendante (CEI), peut être analysé sous plusieurs angles juridiques.
1. Le principe du débat public et la liberté d'expression
Le débat politique est un élément fondamental d'une démocratie. En Côte d'Ivoire, la liberté d'expression est garantie par la Constitution de 2016, notamment en son article 19, qui protège le droit de chacun à s'exprimer librement, y compris sur des questions électorales.
Toutefois, cette liberté n'est pas absolue et doit être exercée dans le respect des règles de courtoisie, de l'ordre public et des institutions.
Dans ce cas précis, si la représentante de la CEI a quitté le plateau en raison d'accusations, de propos jugés offensants ou d'un non-respect du cadre du débat, elle pourrait invoquer un manquement au droit à un débat serein et au respect des institutions.
2. Le rôle et la neutralité de la CEI
La Commission Électorale Indépendante (CEI) est une institution régulée par la loi n° 2014-335 du 5 juin 2014 et ses textes modificatifs. Elle a pour mission principale d'organiser et de superviser les élections en toute indépendance et transparence.
En tant qu'organe impartial, ses représentants doivent adopter une posture de neutralité. Quitter un débat en plein direct peut être interprété de différentes manières :
- Soit comme une réaction légitime face à un manquement au respect des règles du débat, ce qui pourrait justifier son départ d'un point de vue institutionnel et éthique.
- Soit comme un refus du dialogue, ce qui pourrait susciter des interrogations sur la volonté de l'institution de répondre aux critiques et préoccupations des citoyens.
3. Les implications juridiques pour la RTI
La RTI, en tant que média d'État, est soumise aux règles de l'audiovisuel public et doit garantir un traitement équilibré des sujets politiques, conformément aux textes régissant la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA).
L'incident pourrait donc soulever des questions telles que :
La responsabilité éditoriale de la RTI : Si le débat a été jugé mal encadré, la chaîne pourrait être critiquée pour ne pas avoir assuré des conditions propices à un échange serein.
Un éventuel droit de réponse : Si la CEI estime que ses représentants ont été mis en difficulté de manière injuste, elle pourrait exiger un droit de réponse ou une clarification officielle de la RTI.
4. Les conséquences juridiques sur le processus électoral
La révision de la liste électorale est un sujet sensible, encadré par le Code électoral ivoirien. Si ce débat a révélé des tensions sur la transparence du processus, cela pourrait encourager des recours judiciaires de la part des partis politiques ou de la société civile devant le Conseil constitutionnel ou la Cour suprême, pour exiger plus de clarté sur la gestion du fichier électoral.
Conclusion
D'un point de vue juridique, cet incident illustre la difficulté de concilier débat démocratique, respect des institutions et liberté d'expression. La CEI, en tant qu'institution clé du processus électoral, a le devoir de communiquer avec le public de manière transparente, tandis que les médias doivent garantir un cadre propice au dialogue.
Pour éviter de telles tensions à l'avenir, des règles claires sur l'organisation des débats devraient être mises en place, avec des garanties de respect mutuel entre intervenants, afin d'assurer un débat démocratique sain et constructif.
La question de savoir qui a raison entre le représentant du PDCI-RDA, Me Blessy, et la représentante de la CEI, Me Yapobi Yolande, dépend de plusieurs éléments, notamment les faits exacts qui ont conduit au départ de cette dernière.
1. L'argument du PDCI-RDA : une contestation du processus électoral
Me Blessy, représentant du PDCI-RDA, a critiqué la gestion de la révision de la liste électorale, un sujet sensible en Côte d'Ivoire. Il semble avoir remis en question la transparence et l'équité du processus mené par la CEI, ce qui est un droit fondamental pour tout acteur politique. Son rôle, en tant que membre de l'opposition, est de demander des garanties pour des élections justes.
Toutefois, si ses propos ont été formulés de manière agressive ou avec des accusations non fondées, cela pourrait être perçu comme une tentative de décrédibiliser la CEI sans preuves concrètes.
2. L'argument de la CEI : le respect de l'institution
Me Yapobi Yolande a quitté le plateau en estimant que le débat ne se déroulait pas dans un cadre approprié. Elle pourrait justifier son départ par un manque de respect envers l'institution qu'elle représente ou par des attaques personnelles qui allaient au-delà du débat technique sur la liste électorale.
Cependant, en tant que représentante d'une institution publique chargée d'organiser les élections, elle avait aussi la responsabilité de répondre aux critiques et d'expliquer les décisions de la CEI, même face à des contestations virulentes. Son départ pourrait donner l'impression qu'elle a esquivé le débat au lieu de rassurer les électeurs.
3. Qui a raison ?
Tout dépend de la manière dont le débat s'est déroulé :
- Si Me Blessy a tenu des propos diffamatoires, agressifs ou mensongers, alors la CEI était en droit de protester et même de quitter le débat pour ne pas cautionner un échange déséquilibré.
- Si la CEI a quitté le débat simplement parce qu'elle ne voulait pas répondre aux critiques ou parce qu'elle était mise en difficulté, alors cela pourrait être interprété comme un manque de transparence et de responsabilité.
Dans une démocratie, il est normal que l'opposition critique le processus électoral, mais il est aussi essentiel que les institutions publiques restent ouvertes au dialogue, même dans des contextes tendus. L'idéal aurait été que la CEI réponde aux inquiétudes posées plutôt que de quitter le plateau, car cela donne lieu à des spéculations et renforce les doutes sur sa gestion.