Jean Bonin compare l'efficacité des recours internationaux pour Tidjane Thiam après sa radiation électorale. La justice de la CEDEAO émerge comme l'option la plus viable.
Les recours internationaux s'imposent comme la dernière carte à jouer pour Tidjane Thiam. Après sa radiation des listes électorales par le tribunal de première instance d'Abidjan, le président du PDCI doit désormais envisager de porter son dossier devant les instances supranationales. Le juriste Jean Bonin, dans une analyse comparée des juridictions disponibles, dessine une stratégie claire.
Deux cours régionales africaines pourraient être saisies par l'ancien directeur du Crédit Suisse: la Cour de justice de la CEDEAO, basée à Abuja, et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP), située à Arusha. Entre ces deux options, Bonin tranche nettement en faveur de la première, jugeant qu'elle offre « plus de chances d'aboutir » dans le contexte électoral actuel.
L'accès direct, atout de la CEDEAO
L'épuisement des voies de recours internes constitue la pierre d'achoppement entre les deux juridictions. La Cour de la CEDEAO présente l'avantage considérable de pouvoir être saisie directement, sans attendre que toutes les procédures nationales aient été épuisées. « Elle connaît expressément des violations des droits de l'homme garantis par les instruments internationaux, sans exigence d'épuisement des recours internes », souligne Bonin.
Cette particularité procédurale ouvre la voie à une action immédiate, alors que le temps presse avant l'élection présidentielle d'octobre 2025. À l'opposé, la CADHP impose généralement que le requérant ait parcouru l'ensemble du circuit judiciaire national avant de pouvoir la saisir. Dans le cas de Thiam, cette exigence pourrait s'avérer rédhibitoire, d'autant que la Côte d'Ivoire a restreint l'accès direct à cette juridiction en 2020.
Des précédents qui font jurisprudence
Le juriste appuie son analyse sur des affaires similaires traitées par les deux cours. La Cour de justice de la CEDEAO s'est illustrée ces dernières années par plusieurs décisions protectrices des droits politiques en période électorale. Bonin cite notamment les cas de « Kemi Seba contre Bénin, Baba Alpha contre Niger et Saran Sérémé contre Burkina Faso », où la cour a condamné des États pour « exclusion arbitraire de candidats ou d'électeurs ».
Ces décisions ont établi une jurisprudence favorable aux requérants confrontés à des restrictions de leurs droits politiques. La CADHP, bien que compétente sur ces questions, adopte une approche plus mesurée et prend généralement plus de temps pour instruire ce type d'affaires. Cette différence d'approche pourrait s'avérer déterminante dans un dossier aussi sensible que celui de Thiam.
La course contre la montre
Le facteur temps constitue l'argument le plus pressant en faveur de la juridiction de la CEDEAO. « Elle peut statuer dans des délais plus brefs, ce qui est crucial dans un contentieux électoral », note Jean Bonin. Les délais de traitement des affaires sont sensiblement plus courts à Abuja qu'à Arusha, où la CADHP « prend souvent plusieurs mois à instruire une affaire ».
Pour Tidjane Thiam, cette réactivité est essentielle. Si le président du PDCI souhaite participer à l'élection présidentielle d'octobre, il doit obtenir une décision favorable avant les échéances de dépôt des candidatures fixées par la Commission électorale indépendante. La voie de la CEDEAO apparaît donc comme la plus adaptée à l'urgence de sa situation.
Pour optimiser ses chances de succès, Bonin recommande d'articuler le recours autour de trois arguments juridiques solides: « la violation du droit à un procès équitable, l'atteinte au droit de participation politique garanti par l'article 13 de la Charte africaine, et l'absence de décision judiciaire régulière sur la nationalité ».
L'affaire Thiam s'inscrit dans un contexte plus large de tensions préélectorales en Côte d'Ivoire. D'autres figures de l'opposition, comme Laurent Gbagbo, Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, ont également été écartées du jeu électoral par diverses décisions administratives ou judiciaires. Le recours aux juridictions internationales pourrait ainsi dessiner une nouvelle géographie du contentieux électoral ivoirien, à mesure que les voies nationales se ferment pour les candidats de l'opposition.
source : yeclo.com