Discret, ancien syndicaliste et souverainiste convaincu, Ahoua Don Mello a surpris en franchissant l'étape des parrainages. Son parcours, ses réseaux et ses soutiens en font un adversaire sérieux pour Alassane Ouattara.
Le 8 septembre dernier, le Conseil constitutionnel validait cinq candidatures pour l'élection présidentielle ivoirienne prévue en octobre 2025 : Alassane Ouattara, Ahoua Don Mello, Henriette Lagou, Jean-Louis Billon et Simone Ehivet Gbagbo. Ce verdict a surpris de nombreux observateurs, notamment dans l'opposition, où certains leaders majeurs comme Laurent Gbagbo ou Pascal Affi N'Guessan ont vu leur dossier rejeté. Mais c'est surtout l'inclusion d'Ahoua Don Mello qui a retenu l'attention, tant sa percée semblait improbable il y a quelques mois.
À la faveur de cette validation, des rumeurs ont circulé sur de prétendus arrangements souterrains avec le pouvoir en place. Pour ses adversaires, le fait qu'il ait obtenu les parrainages si rapidement cacherait un soutien tacite du camp présidentiel. Mais pour Touré Moussa Zéguen, figure pro-Gbagbo exilée depuis la crise post-électorale de 2011, cette lecture est infondée. Cette réussite, assure-t-il, s'explique par l'ampleur de son réseau et sa capacité à fédérer au-delà des clivages partisans.
Un parcours discret mais solide
« Beaucoup ne connaissent pas Ahoua Don Mello parce qu'il est discret. C'est un homme de travail, pas du bling-bling politique », explique Touré Zéguen. Enseignant-chercheur, il a exercé à l'Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny de Yamoussoukro, à l'Université d'Abidjan ainsi qu'à l'École nationale de l'électricité de Bingerville. Son passage à la tête du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES) dans les années 1990 a marqué une génération d'étudiants et de jeunes cadres.
À cette époque, alors que la FESCI et les mouvements de gauche structuraient une partie de la jeunesse militante, Don Mello jouait un rôle de formateur et de mentor. Beaucoup de cadres d'aujourd'hui, aussi bien dans la fonction publique que dans le privé, ont croisé son chemin.
« Cela lui a donné une base de sympathisants fidèles et une réputation d'homme intègre et travailleur », souligne Zéguen.
Cette image s'est renforcée en juillet 2025, lorsqu'il a annoncé sa candidature à la présidentielle. Le PPA-CI, le parti de Laurent Gbagbo dont il était vice-président, a immédiatement réagi en le démettant de ses fonctions en direct à la télévision.
« Cet épisode a choqué de nombreux militants, qui ont estimé que sa démarche était légitime. Il ne s'agissait pas d'indiscipline mais de prévoir un plan B en cas d'invalidation de Gbagbo. Cela a créé un engouement spontané autour de lui », ajoute Zéguen. Ahoua Don Mello est « un homme intègre, un rassembleur qui a toujours oeuvré pour l'unité de la gauche », insiste-t-il.
Mobilisation croissante
Depuis la validation de sa candidature, le mouvement autour de Don Mello s'est amplifié. Des comités de soutien se multiplient, et ses partisans affirment constater une mobilisation croissante, aussi bien en Côte d'Ivoire qu'à l'étranger.
Ses soutiens viennent aussi bien de militants du PPA-CI que du PDCI, mais également de mouvements associatifs et de la diaspora. En France, le Mouvement de soutien aux actions d'Ahoua Don Mello (MSA ADM), dirigé par Mongnon Koné Moussa, coordonne les actions de ses partisans.
« La diaspora est mobilisée partout, en Europe, en Amérique et en Afrique. C'est un engouement pas possible », confie Zéguen.
La structuration de ce réseau international est déjà bien avancée. Plusieurs représentations ont été nommées pour piloter les actions locales et fédérer les communautés autour de la candidature de Don Mello. Au Mali, Monoko Novey Touali assure cette mission ; au Togo, c'est Bamba Falikou qui est en charge ; tandis qu'au Royaume-Uni, Alexis Akoman coordonne les activités de la diaspora ivoirienne.
Selon Touré Zéguen, « l'idée est de couvrir tous les pays où vivent des Ivoiriens et de créer un réseau solide capable de soutenir Don Mello dans toutes les phases de la campagne. »
Un réseau international qui compte
Sur le plan idéologique, Don Mello se positionne comme un souverainiste. Il critique la dépendance de la Côte d'Ivoire vis-à-vis de la France et rejette la division ethnique dans la vie politique. Il s'inscrit dans la dynamique d'un monde multipolaire, incarnée par des puissances comme la Chine, la Russie et l'Inde.
« Ce n'est pas pour rien qu'il est régulièrement invité à intervenir sur le continent africain pour expliquer cette nouvelle vision. Don Mello est devenu l'homme des BRICS en Afrique », affirme Zéguen.
Ses contacts à l'international constituent un atout supplémentaire. « Pour ceux qui soutenaient qu'il fallait un carnet d'adresses et des alliés solides pour diriger la Côte d'Ivoire, Don Mello peut aujourd'hui se targuer d'être l'ami des plus forts, militairement, économiquement et politiquement. Que ce soit la Chine, la Russie ou l'Inde, il a des relations solides et crédibles. Don Mello se situe donc du côté des gagnants », assure Zéguen.
Ces alliances pourraient jouer un rôle si la présidentielle d'octobre 2025 débouchait sur une contestation des résultats. Pour ses partisans, sa stature internationale lui donne une légitimité particulière face à Alassane Ouattara, dont le quatrième mandat est fort contesté par une partie de l'opinion.
Une candidature aux ambitions nationales
Dans les coulisses, ses équipes affûtent leur stratégie. Sa sortie officielle, prévue autour du 4 octobre, ne devrait pas avoir lieu à Abidjan mais à Bouaké, ville d'origine de sa mère. Une manière de souligner ses racines et d'affirmer son ancrage régional. L'événement est conçu comme un symbole d'unité nationale, capable de fédérer au-delà des clivages.
À ce stade, le PPA-CI et le PDCI rechignent à donner une consigne de vote. Mais, selon Zéguen, « tous ces partis seront amenés, à la fin, à se prononcer. Et Don Mello n'a pas d'ennemis dans l'opposition, au contraire. Il a toujours été un chantre du rassemblement ».
Pour ses partisans, l'élection du 25 octobre 2025 offre une opportunité historique de tourner la page des quinze années de gouvernance Ouattara. « Les Ivoiriens sont fatigués d'un pouvoir qui a privilégié les infrastructures au détriment de la réconciliation et de la justice sociale. Les ponts sont nombreux mais surfacturés, et la dette explose », critique Zéguen. À l'inverse, Don Mello se présenterait comme l'homme de la rupture, porteur d'un projet de souveraineté et de réconciliation.
À quelques semaines du scrutin, sa candidature reste une inconnue dans l'équation politique ivoirienne. Discret mais déterminé, l'ancien ministre mise sur son réseau, sa réputation d'intégrité et ses alliances internationales pour bousculer les pronostics. Pour Zéguen et ses partisans, « Don Mello n'est plus un outsider : il est devenu l'ultra-favori ».
source : linfodrome.com