Bénin: intervention du Nigeria, soldats arrêtés... Ce que l'on sait au lendemain de la tentative de coup d'État

  • publiè le : 2025-12-08 15:08:46
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Bénin: intervention du Nigeria, soldats arrêtés... Ce que l'on sait au lendemain de la tentative de coup d'État
Des militaires ont annoncé, ce dimanche 7 décembre à la télévision nationale du Bénin, avoir destitué le président Patrice Talon. Rapidement, les autorités ont affirmé avoir déjoué ce coup d'État et contrôler la situation. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (Cedeao) et le Nigeria ont déployé des troupes au sol pour soutenir le gouvernement.

Des militaires ont annoncé à la télévision nationale béninoise avoir destitué, dans la matinée du dimanche 7 décembre, le président Patrice Talon, dont le dernier mandat doit prendre fin en avril prochain. Les autorités ont rapidement affirmé avoir déjoué le coup d'État et contrôler la situation.

Voici ce que l'on sait ce lundi matin, au lendemain de cette tentative de putsch dans ce petit pays côtier d'Afrique de l'Ouest. La région est secouée ces dernières années par une vague de prises de pouvoir par l'armée, au Sahel, en Guinée et récemment en Guinée-Bissau.

Des militaires font irruption à la télévision
"Monsieur Patrice Talon est démis de ses fonctions de président de la République", vers 8h (7h GMT) ce dimanche matin, huit militaires, coiffés de bérets aux couleurs disparates ou de casques parfois de travers et armés de fusils d'assaut, font irruption à la télévision publique béninoise pour y lire un message.

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Suspension de la Constitution, dissolution des institutions, fermetures des frontières, ce "Comité militaire pour la refondation" (CMR) annonce un coup d'État et proclame le lieutenant-colonel Pascal Tigri comme leur chef. Ils justifient notamment leur acte par la "dégradation continue de la situation sécuritaire au nord du Bénin", une région où les soldats paient un lourd tribut face aux attaques djihadistes.

Ils critiquent également des "promotions injustes" dans l'armée et une remise en cause "déguisée des libertés fondamentales" par le pouvoir. Mais si les mutins contrôlent à ce moment-là la télévision publique, ce n'est pas le cas du reste de la ville.

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D'après plusieurs sources concordantes, ils auraient tenté de prendre d'assaut la résidence de Patrice Talon avant d'être repoussés. L'ambassade de France a confirmé la présence de tirs dans le quartier. Des affrontements ont également eu lieu aux abords du palais présidentiel et des blindés ont été aperçus dans plusieurs rues de la capitale économique du pays.

Une "riposte" des Forces armées béninoises "restées républicaines"
Quelques heures après l'annonce des putschistes, le ministre béninois de l'Intérieur, Alassane Seidou, apparaît à son tour à la télévision nationale et annonce que le coup d'État a été déjoué. Il assure que la "riposte" des Forces armées béninoises, "qui sont restées républicaines, a permis de garder le contrôle de la situation et de faire échec à la manoeuvre".

Plusieurs témoins ont indiqué que le calme est revenu dans la soirée à Cotonou. Le président Patrice Talon s'est exprimé à la télévision nationale confirmant que la situation est "totalement sous contrôle" et invite les Béninois à "vaquer sereinement" à leurs occupations. "Cette forfaiture ne restera pas impunie", a-t-il conclu son allocution.

Le Nigeria et la Cedeao interviennent militairement
Le Bénin a reçu l'aide du Nigeria voisin pour mettre en déroute les putschistes. Abuja a reconnu avoir mené des frappes aériennes sur des cibles à Cotonou sur demande du Bénin pour "déloger les putschistes de la télévision nationale et d'un camp militaire où ils s'étaient regroupés". "Des forces nigérianes au sol sont actuellement au Bénin", a ajouté Abuja dans un communiqué.

La Communauté économique des États d'Afrique de l'ouest (Cedeao) a de son côté annoncé dimanche soir le déploiement immédiat de troupes du Nigeria, de la Sierra Leone, de la Côte d'Ivoire et du Ghana pour soutenir "le gouvernement et l'armée républicaine" du Bénin et "préserver l'ordre constitutionnel".

Interrogée par TV5MONDE, "la situation est très préoccupante", selon Gilles Yabi, analyste politique au sein du think tank Wathi, grand observateur des réalités politiques dans cette zone d'Afrique. "Les déclarations du président Talon montrent que la situation est quand même rétablie mais l'intervention de l'armée nigériane, en pleine capitale, montre le degré de gravité des évènements."

Une douzaine de soldats arrêtés
Dès dimanche, des sources militaires ont indiqué à l'AFP qu'une douzaine de soldats avaient été arrêtés. Une source sécuritaire précisait que des auteurs de la tentative de coup d'État étaient parmi eux.

Selon une source proche du dossier, le lieutenant-colonel Pascal Tigri est toutefois en fuite. Cet officier a notamment été déployé dans l'opération Mirador, au nord du pays, face aux djihadistes, selon un de ses proches. Il avait également servi au Mali au sein de la mission onusienne de la Minusma. En novembre 2024, il avait été remplacé à la tête du 3ème groupement inter-armes de la garde nationale.

Des motivations réelles encore floues
Difficile de savoir les motivations réelles de ce putsch au-delà des revendications annoncées pêle-mêle à la télévision. "On voit que des fractures apparaissent au sein de l'appareil sécuritaire. C'est une mutinerie", commente à l'AFP un expert des questions sécuritaires, ayant requis l'anonymat. À moins que les raisons soient plus d'ordre politique.

La présidentielle d'avril 2026 occupe les esprits des Béninois. Si Patrice Talon se retire après deux mandats de cinq ans, conformément à la Constitution, son dauphin, le ministre des Finances Romuald Wadagni est archi-favori. Et pour cause: le principal parti d'opposition est exclu du scrutin faute de parrainages suffisants et Romuald Wadagni affrontera un seul rival, un opposant qui se dit lui même "modéré".

Le mois dernier, le Bénin a adopté une nouvelle constitution créant un Sénat et prolongeant le mandat présidentiel de cinq à sept ans. Une mesure que les critiques ont qualifiée de tentative de prise de pouvoir par la coalition au pouvoir.

"Notre armée si silencieuse depuis des décennies donne la preuve qu'est pas indifférente à l'actualité du pays et qu'elle n'adoube pas tout non plus", estime l'analyste sécuritaire. Le dernier coup d'État au Bénin a été perpétré en 1972.

"Ces évènements interviennent alors que le pays est déjà rentré dans une période électorale: il y aura la présidentielle en avril mais avant cela, des élections communales et législatives en janvier. Le contexte politique est tendu compte tenu de réformes électorales qui ont considérablement réduit la marge de manoeuvre des partis politiques, analyse Gilles Yabi du think tank Wathi. Tout ce contexte politique créé une situation d'incertitude tout en sachant que dans le nord du pays, il y a aussi les menaces sécuritaires liées à la présence des groupes armés de l'autre côté de la frontière avec le Nigeria et le Burkina Faso."

Le Bénin a été le pays côtier d'Afrique de l'Ouest le plus durement touché par les groupes djihadistes qui ont réalisé d'importants gains dans le Sahel central, a déclaré Nina Wilen, directrice du programme Afrique à l'Institut Egmont des relations internationales en Belgique. Un fait souligné par les attaques majeures de janvier et d'avril qui ont tué des dizaines de soldats.

Un effet de contagion possible?
Au contexte politique sensible, il faut ajouter la situation régionale. Ces cinq dernières années, l'Afrique de l'Ouest est particulièrement secouée par l'instabilité politique depuis le début de la décennie avec des coups d'État au Mali, au Burkina Faso et au Niger - deux voisins du Bénin -, ainsi qu'en Guinée et plus récemment, fin novembre, en Guinée-Bissau.

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"Le contexte régional peut pousser un certain nombre d'acteurs, notamment militaires, à se dire que des coups d'État sont de nouveau possible et à passer à l'action. La séquence de coups d'État militaire qu'il y a eu dans la région donne un signal négatif pour tous les pays de la région qui sont exposés", commente Gilles Yabi.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit "profondément préoccupé par la tentative inconstitutionnelle de prise de pouvoir au Bénin", et a évoqué une nouvelle menace potentielle pour la stabilité de la région. L'Union africaine (UA) a condamné "fermement et sans équivoque" cette tentative de coup d'État.

S'il est salué pour le développement économique du Bénin, Patrice Talon est régulièrement accusé par ses détracteurs d'avoir opéré un virage autoritaire dans un pays autrefois salué pour le dynamisme de sa démocratie.
source : tv5monde.com

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