Les restrictions politiques affectent notamment les deux grands partis d'opposition à Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011 et qui s'avance comme le grand favori du scrutin.
A huit jours de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, le gouvernement a interdit, vendredi 17 octobre, pour une durée de deux mois toute manifestation ou meeting « des partis ou groupements politiques », sauf ceux des cinq candidats en lice pour le scrutin.
Cette mesure concerne notamment les deux plus grands partis d'opposition, dont les candidatures des leaders, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, ont été rejetées par le Conseil constitutionnel, et qui avaient appelé ces derniers jours à manifester. Quelques centaines de personnes ont répondu à cet appel à Abidjan, samedi ; elles ont été dispersées par les forces de l'ordre. Quelques blocages de routes ou d'écoles dans certaines localités du pays ont aussi été observés au cours des derniers jours. Environ 700 personnes ont été arrêtées en une semaine, selon le procureur de la République, Oumar Braman Koné.
Outre l'exclusion de ses leaders, le « Front commun » - qui rassemble le Parti démocratique de la Côte d'Ivoire (PDCI) et le Parti des peuples africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI) de MM. Thiam et Gbagbo - proteste contre la candidature à un quatrième mandat du président sortant, Alassane Ouattara.
Début octobre, les autorités ivoiriennes avaient interdit les manifestations remettant en cause la décision du Conseil constitutionnel, s'appuyant sur un article de la Constitution. Vendredi soir, les ministères de l'intérieur et de la défense ont pris un arrêté qui élargit cette interdiction à toute manifestation ou meeting « des partis ou groupements politiques », à l'exception de ceux qui sont qualifiés pour le scrutin de samedi prochain. Les contrevenants « sont passibles de poursuites judiciaires », précisent les autorités.
« Caractère subversif »
Jeudi, 26 personnes ont été condamnées à trois ans de prison, selon leurs avocats, notamment pour « troubles à l'ordre public » après leur participation à des manifestations interdites ces derniers jours. La semaine prochaine, 105 autres doivent être jugées à Abidjan, a affirmé à l'Agence France-Presse (AFP) Roselyne Aka-Serikpa, l'une des avocates.
Le procureur Koné a de son côté affirmé que l'exploitation de téléphones portables de certaines personnes interpellées avait révélé « des déclarations graves » appelant à saccager commerces, commissariats ou encore préfectures, assimilables selon lui à des « actes de terrorisme ». Lors des manifestations, la police a indiqué qu'un homme avait été tué par balle par des « individus non identifiés », à Bonoua, tandis que l'opposition avance un bilan de deux à trois morts dans le pays.
L'ONG Amnesty International avait appelé cette semaine les autorités à arrêter de « réprimer » les manifestations. Vendredi, dans un communiqué, le ministre de la justice, Sansan Kambilé, a répondu que l'exercice du droit de manifester peut « faire l'objet de restrictions (...) dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public », notamment. Le ministre ajoute que les manifestations qui ont eu lieu depuis samedi « revêtent un caractère subversif » et sont « marquées par une violence incompatible avec les exigences de la loi ».
Face à Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011 et qui s'avance comme le grand favori du scrutin, quatre candidats sont en lice : l'ex-ministre du commerce Jean-Louis Billon, dissident du PDCI ; deux anciens compagnons de route de Laurent Gbagbo en rupture avec lui, son ex-épouse Simone Ehivet Gbagbo et l'ex-ministre Ahoua Don Mello ; et enfin Henriette Lagou, déjà candidate en 2015.
Le Monde avec AFP
source : lemonde.fr