Lire la tribune de Koné Kobali sur la « démocratie des papas », proposée en Côte d'Ivoire par les trois mentors du RHDP, du PDCI et du FPI que sont respectivement Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo.
Depuis l'officialisation de l'offre (sans surprise) du camarade Damana Pickass proposée lors de la cérémonie du 1er anniversaire de leur nouveau parti (PPA-CI), notre pays à travers le gouvernement actuel s'est doté « dans la main courante » d'un nouveau mousquetaire ! L'âge du candidat de Pickass qui a déjà étrenné le pouvoir pendant 10 ans, a fait germer l'image de Papa ! Le titre de papa qui se trouve être la litote exceptionnelle de grand-papa dans notre particulier paysage politique, semble être le parfait trait-d 'union commun à ces trois grands partis que sont : le PDCI-RDA, le RHDP et le PPA-CI ! Pour qui a une myope connaissance du personnel politique national, ce n'était vraiment pas compliqué à décoder !
Ainsi dépeint qui est papa dans la « secte » politique ivoirienne ? C'est celui qui vient en tuteur moral incontesté avec rang de grand manitou, prendre la défense de ses enfants et petits-enfants ! Celui dont l'entrée en secours est exigée pour exécuter le rôle du parallélisme des formes ! Ce papa-là c'est celui qui a les machineries filiales pour défendre bec et ongle sa fratrie ! Du coup l'introduction presqu'attendue de cette image (Alassane Ouattara) rassurante par ailleurs, suffit pour l'inscrire illico presto dans la lice présidentielle session 2025. L'image que confère le titre de papa, est en réalité un brillant prétexte pour l'exploitation du logiciel de retouche qu'est adobe Photoshop !
Les trois mentors du RHDP, du PDCI et du FPI
2010 et 2015 ayant été des quinquennats normaux auxquels rien ne peut être reproché. Le mandat en cours qui signe pour la place du 3ème, a quant à lui été une entorse qui a porté atteinte aux fragiles articulations de la constitution. Aussi, depuis que Cissé Bacongo est arrivé à la tête du parti pour l'orienter et non pour le dirigé, j'ai tout compris ! Depuis sa licence d'orientation en poche, il se livre sur la (pauvre) petite rue Lepic, à de cosmétiques petits travaux charnels ! Refermons le cul de sac. « Un mandat de 05 ans renouvelable une fois... ».
Ainsi parlait et parle toujours, notre constitution de 2000 ! ! Aussi, en Côte d'Ivoire pour être éligible, il ne suffit pas de justifier et d'user du statut estampillé biologique, pour être éligible ! Encore faut-il que le papa qui est censé être au niveau familial et social le dépositaire légal de toutes les bonnes valeurs, joue la seule carte de la constitution ! Comme la légion soudaine d'orpailleurs qui pilule et pollue nos villes à travers le pays au grand dam des populations respectueuses de l'ordre administratif, certaines familles politiques se sont mises en tête d'orpailler indéfiniment la constitution nationale au risque de la rendre sous peu, sans objet. Que vaut le patriotisme qui ne respecte pas la constitution ?
Sommes-nous encore disciples d'Houphouët quand on manque cruellement de discipline et de dévotion envers la loi fondamentale ? La politique en Côte d'Ivoire ce n'est pas pour le moment, une affaire de papa ! C'est avant tout l'affaire et elle devrait rester une affaire de la loi. À preuve, malgré la volonté inlassable d'Alassane Ouattara à briguer le poste de président de la République, il a fallu qu'il plaise à Gbagbo d'user le 26 avril 2005 de ses prérogatives constitutionnelles exceptionnelles pour qu'il puisse se présenter à l'élection présidentielle de 2005. Si mes souvenirs sur cet épisode particulier sont bons, à cette époque Alassane était aussi bien papa biologique que papa politique du RDR ? Mais il a fallu beaucoup de réunions et de sommets ici et là, pour que la fumée blanche accepte de sortir par le haut !
Arrêtons de donner l'impression au monde entier qu'en Côte d'Ivoire, la constitution se marchande comme un tas « d'adjaunva » au marché Gouro
Contrairement aux images et figures paternelles qu'on emprunte à la vie, la constitution n'est pas une simple littérature, une simple conjecture ?! Ce n'est pas la belle idée de untel qui tient lieu de constitution dans le pays ? La meilleure façon de défendre les intérêts à son papa c'est d'identifier avec lui les moyens d'une conservation juste et pérenne. Tout le reste est source de palabres. Or nous sommes après bientôt 12 ans, incapables de solder le compte des anciens palabres. Au demeurant, on ne fait pas la politique pour soi mai pour l'autre, ton prochain ! Arrêtons de donner l'impression au monde entier qu'en Côte d'Ivoire, la constitution se marchande comme un tas « d'adjaunva » au marché Gouro, et que sa prééminence est facultative !
Arrêtons de donner l'impression au gens que notre pays peut mettre sous le boisseau sa constitution, le temps qu'un papa adoré et infatigable, rempile à sa guise. C'est une erreur de croire que la question est : doit-on ou ne doit-on pas respecter la constitution ? Le « gnambroya » politique doit cesser. Si nous ne sommes pas capables ensemble de respecter les termes de la constitution que nous nous sommes donnés en 2000, je ne vois comment on pourrait créer les conditions d'une nation forte et unie ? Sur ce point précis la volonté de cécité n'est pas une option. Il est superfétatoire de dire qu'on peut éteindre la flamme de la mauvaise gouvernance et réduire les dégâts de la corruption dans notre pays, si ensemble nous sommes incapables de faire briller la constitution ?
À l'endroit de tous les papas de Côte d'Ivoire, arrêtons par notre silence d'enfoncer des messages dans la bouche de nos enfants. Le revers dans cette affaire c'est que demain, quand ils vont estimer qu'ils sont grands, ils vont eux aussi utiliser les mêmes pirouettes pour effectuer leurs emplettes sur le marché politique ! Et croyez-moi si la faute vient des papas, s'en est fini de notre pays ! Car ce pays ne sera jamais en paix. Plus jamais en paix ! La guerre des papas, la vraie guerre des papas la seule qui vaille la peine, c'est celle de l'éducation.
Or là-bas nous sommes désespérément absents et on sort les muscles quand s'agit d'aller à la conquête de l'esplanade de la présidence de la République ! « Évitez-nous une autre guerre », telle était à Agboville le dimanche 23 juin 2019, l'émouvante supplication formulée à l'issue de la 113ème assemblée plénière organisée par la conférence des évêques catholiques de Côte d'Ivoire (CEC-CI). Le fait est qu'en 2020 elle n'a pas été entendue, le sera-t-elle en 2025 ? À vouloir trop en faire pour son papa, le bon fils fini par obscurcir durablement le champ de son propre avenir !
Autant j'ai joui abondamment du sentiment de fierté d'être ivoirien sous Houphouët à cause de la dynamique de prestige qu'il a imposé au pays, autant il m'arrive ces dernières années notamment, de raser les murs de honte. « Si demain, on me dit que Guillaume Soro est prêt à m'écouter, à me recevoir, je vais courir pour aller le rencontrer parce que je n'ai pas d'amour-propre, je n'ai pas d'orgueil. Je veux pouvoir être présent dans une Côte d'Ivoire de demain ou je peux parler sans qu'on me frappe ». Bon point pour KKB, car c'est lui qui a dit ça le vendredi 21 octobre en présence de M. Boga Sako, au siège de la FIDHOP !
auteur : KONÉ KOBALI