Endeavour Mining prévoit d'ouvrir sa troisième mine d'or en Côte d'Ivoire d'ici 2028. Avec Assafou, dont la construction doit démarrer en 2026 sous réserve d'obtention des permis miniers, le premier producteur ouest-africain d'or achève un basculement stratégique. Pour la première fois, la majorité de ses opérations dans la sous-région sera concentrée en Côte d'Ivoire, après plus d'une décennie dominée par le Burkina Faso.
Compagnie d'origine canadienne cotée à la bourse de Londres, Endeavour compte le gestionnaire d'actifs américain BlackRock (16,8 %) et la holding britannique La Mancha (14,7 %) comme principaux actionnaires. Soutenue par ces investisseurs institutionnels, y compris le suisse UBS Group AG (2%), la société exploite aujourd'hui cinq mines en Afrique de l'Ouest : Houndé et Mana au Burkina Faso, Sabodala-Massawa au Sénégal, ainsi que Ity et Lafigué en Côte d'Ivoire. Cette dernière mine, entrée en production en 2024, marque le début d'une nouvelle phase d'expansion ivoirienne pour Endeavour.
Selon les objectifs publiés pour 2025, Ity et Lafigué devraient cumuler jusqu'à 540 000 onces d'or, soit 45 % des 1,2 million d'onces visées par le groupe cette année. Avec Assafou, dont le potentiel de production est estimé à 329 000 onces par an sur ses dix premières années, la Côte d'Ivoire succède au Burkina Faso, longtemps pilier historique des opérations d'Endeavour.
La transformation d'Endeavour Mining remonte à 2015, lorsqu'un actionnaire majeur entre au capital : La Mancha, société de l'Égyptien Naguib Sawiris. Cette même année, Endeavour reprend 55 % de la mine d'Ity en Côte d'Ivoire, un actif rapidement devenu l'un des piliers de sa production.
Le groupe enchaîne ensuite les acquisitions, comme True Gold (mine de Karma, Burkina Faso), Avnel Gold (projet Kalana, Mali), puis surtout l'achat du canadien Semafo en 2020. Cette transaction d'un milliard de dollars canadiens renforce la place du Burkina Faso comme centre de gravité de la compagnie, grâce aux mines d'or Mana et Boungou. Au même moment, la reprise de Teranga Gold en 2021, qui permet de prendre le contrôle de la mine Wahgnion, renforce davantage ce poids burkinabè. En 2022, Endeavour compte encore quatre mines opérationnelles dans le pays, représentant 52% de sa production totale.
Climat des affaires plus propice à Abidjan
Ce socle burkinabè s'est cependant progressivement transformé en facteur de risque. Le pays fait face depuis plusieurs années à une crise sécuritaire profonde, marquée par l'intensification des attaques djihadistes. À cette instabilité, s'ajoute une montée du nationalisme des ressources depuis l'arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, dont la gouvernance s'accompagne d'une réduction de l'importance des acteurs miniers étrangers.
Dans ce contexte, Endeavour a accéléré la réduction de son empreinte au Burkina Faso. Entre 2023 et 2024, l'entreprise cède Boungou et Wahgnion. Parallèlement à ce désengagement au Burkina Faso, la dynamique ivoirienne s'accélère. Lafigué, construit pour 448 millions USD, entre en production fin 2024. La production d'Ity a quadruplé depuis 2016 pour atteindre un record de 343 000 onces en 2024, grâce à l'inauguration en 2019 d'une nouvelle usine de traitement. Entre Ity, Lafigué et Assafou, la Côte d'Ivoire pourrait avoisiner 800 000 onces par an, soit près des deux tiers des prévisions globales du groupe pour 2025.
Ce recentrage s'explique aussi par l'attractivité de la Côte d'Ivoire pour l'investissement minier dans la sous-région. Justin Tremain, PDG de Turaco Gold, déclarait en septembre 2025 que la Côte d'Ivoire est « le meilleur endroit au monde pour construire une mine d'or ». À l'inverse, le canadien Fortuna Mining a quitté le Burkina Faso en évoquant un « climat des affaires de plus en plus difficile ».
La question est désormais de savoir si le groupe poursuivra cette consolidation en Côte d'Ivoire, où Endeavour détient encore plusieurs projets d'exploration, avec les risques de concentration que cela implique. Si la Côte d'Ivoire est actuellement considérée comme l'une des juridictions minières les plus stables de la sous-région ouest-africaine, la compagnie devra gérer avec plus de vigilance les cycles politiques et réglementaires qui pourraient remettre en cause cette situation. Une diversification dans d'autres pays comme le Sénégal et la Guinée, d'autres pays aux riches gisements aurifères, pourrait également atténuer à terme la dépendance à la Côte d'Ivoire.
Emiliano Tossou, Agence Ecofin
source : latribune.fr