La Poste ivoirienne traverse une période de turbulences majeures. À l'image de la presse classique, elle se trouve confrontée à une transition numérique qu'elle peine à suivre, menacée par l'obsolescence de ses structures et la montée inexorable des nouveaux acteurs du secteur.

Depuis plusieurs années, les signaux d'alerte s'accumulent : paralysie de l'administration par des grèves récurrentes, travailleurs en détresse, services dépassés, recettes en chute libre. Même le timbre, autrefois symbole de la souveraineté postale, est désormais concurrencé par des solutions digitales bien plus efficaces. Les mesures temporaires de colmatage ont montré leurs limites. La Poste ivoirienne est au bord de l'asphyxie.

Face à cette situation critique, l'État a décidé d'agir. Un premier geste fort a été l'apurement des dettes sociales à hauteur de 3,5 milliards FCFA, afin de répondre aux revendications syndicales et rétablir un climat social apaisé. Mais c'est surtout l'adoption d'un plan de restructuration en quatre axes d'un montant global de 100 milliards FCFA qui marque un tournant stratégique. Objectif : faire émerger une Poste nouvelle génération, capable de s'adapter aux exigences du XXIe siècle.

Ce plan prévoit la création d'une banque postale, le développement d'une filiale logistique et commerciale, la mise en place de services électroniques modernes, et la valorisation de son patrimoine à travers une société civile immobilière. L'ouverture du capital à des investisseurs privés est également envisagée, afin d'introduire de la rigueur managériale et de l'innovation dans la gouvernance de l'entreprise.

Un enjeu national à portée internationale

Cette ambition de transformation ne se limite pas au territoire ivoirien. La Côte d'Ivoire est aujourd'hui candidate au poste de directeur général adjoint de l'Union Postale Universelle (UPU), une organisation intergouvernementale clé dans la régulation du secteur postal mondial. Soutenue au plus haut niveau, cette candidature traduit une volonté forte de repositionner le pays au coeur des enjeux postaux internationaux.

Dans ce contexte, le directeur général de la Poste, Isaac Gnamba-Yao, a récemment accompagné le ministre de la Transition Numérique et de la Digitalisation, Ibrahim Kalil Konaté, lors d'une rencontre stratégique avec l'ambassadeur du Japon, Son Excellence Katsuya Ikkatai.

« Cette rencontre a permis de mettre en lumière les liens étroits de coopération entre le Japon et la Côte d'Ivoire, tout en offrant une opportunité d'échanger sur la préparation du 28e Congrès de l'Union Postale Universelle (UPU), qui se tiendra à Dubaï du 7 au 19 septembre 2025 », a déclaré Isaac Gnamba-Yao.

Le Japon a d'ailleurs annoncé sa candidature aux Conseils d'Administration et d'Exploitation Postale de l'UPU, ainsi que celle de Masahiko Metoki pour un nouveau mandat à la direction générale du Bureau international. Le congrès de Dubaï sera un moment déterminant pour le secteur postal mondial, avec l'adoption de la stratégie postale 2026-2029. Il s'agira de redéfinir les rôles, les outils et les modèles d'un service postal profondément transformé par le numérique, la logistique moderne, l'e-commerce, et désormais, l'intelligence artificielle.

La Côte d'Ivoire, en pleine mutation, veut être partie prenante de cette redéfinition. Mais elle devra d'abord prouver qu'elle est capable de réformer de fond en comble sa propre maison. Car il serait paradoxal de chercher à jouer les premiers rôles à l'international, tout en laissant mourir la Poste sur le plan national.

Prince Beganssou