Les représentations françaises des partis de Laurent Gbagbo (PPA-CI), Tidjane Thiam (PDCI-RDA) et Guillaume Soro (GPS) ont déposé, ce samedi 2 août 2025, une motion au siège d'Amnesty International à Paris. À travers ce document, ils dénoncent de graves atteintes aux droits fondamentaux en Côte d'Ivoire. Ci-dessous, l'intégralité de cette motion dont Linfodrome a reçu copie ce dimanche.
Mesdames, Messieurs,
Officiellement signé le 15 novembre 2023, l'Accord de Samoa qui succède à l'Accord de Cotonou, régit les relations entre l'Union Européenne et les Etats ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). À l'issue de ce traité international, la Côte d'Ivoire et l'Union Européenne s'engagent à oeuvrer pour le respect des principes démocratiques, de l'État de droit, des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales. À cet effet, nous, Représentations extérieures des partis politiques d'opposition de l'alliance Front Commun, dans un souci de paix et de cohésion sociale, dénonçons avec fermeté, par la présente motion, les graves violations des droits fondamentaux et des libertés individuelles et collectives en Côte d'Ivoire.
Nous portons à votre connaissance ces préoccupations relatives à la dégradation du climat sociopolitique et de la violation constante des droits et des libertés individuels et collectifs. À l'approche de l'élection présidentielle de 2025 qui présage d'une atmosphère de crise préélectorale qui risque gravement de plonger notre pays dans des jours sombres, nous vous alertons et vous signifions les points cardinaux, qui indéniablement devront être traités, pour que l'élection soit inclusive, démocratique et transparente.
Nous portons les cinq (5) exigences suivantes : La réinscription des noms des leaders de l'opposition injustement radiés de la liste électorale. Le refus catégorique d'un 4ème mandat présidentiel anti constitutionnel de Monsieur Alassane Dramane Ouattara. La réforme totale de la Commission électorale indépendante assujettie au pouvoir en place. La révision et l'audit de la liste électorale. La garantie des libertés d'expression, de manifestation et d'association.
1- Sur l'exigence de la réinscription des noms des leaders de l'opposition injustement radiés de la liste électorale
Le 4 juin 2025, la commission électorale indépendante (CEI), assujettie au pouvoir en place, a publié la liste électorale définitive, excluant les principaux leaders d'opposition dont le Président Laurent Gbagbo du PPA-CI, le Président Tidjane Thiam du PDCI-RDA, le Premier ministre Guillaume Kigbafori Soro de GPS, le ministre Charles Blé Goudé du COJEP et bien d'autres. Le Président Gbagbo est acquitté le 15 janvier 2019, par décision de la chambre de 1ère instance de la CPI, de toutes les charges qui pesaient contre lui. Le 31 mars 2021, la chambre d'appel confirme à la majorité cette décision d'acquittement.
En prélude à cet acquittement irréversible, le 29 octobre 2019, par jugement d'itératif défaut, le tribunal correctionnel d'Abidjan condamne, à son insu, le Président Gbagbo à 20 ans d'emprisonnement ferme dans une affaire dite « du braquage » de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), le privant ainsi de ses droits civiques et politiques. Le Président Gbagbo a présidé aux destinées de la Côte d'Ivoire d'octobre 2000 à avril 2011.
En ce sens, le tribunal correctionnel, qui est une juridiction ordinaire, n'est pas compétente pour prononcer une sanction pénale en son encontre. En effet, la Constitution de la République de Côte d'Ivoire est claire et précise en son article 157 : " le Président n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et traduit devant la haute cour de justice qu'en cas de haute trahison." Par ailleurs, la BCEAO n'a jamais déposé de plainte et ne s'est aucunement constituée partie civile afin d'évoquer un quelconque préjudice financier lors du procès. Cette décision inique qui le prive de ses droits fondamentaux est purement d'ordre politique.
Le Président du PDCI RDA, Tidjane Thiam, a été, quant à lui, radié de la liste électorale pour le motif qu'il avait une double nationalité au moment de son enrôlement. Il ressort par la voix du ministre de la justice que la constatation d'une autre nationalité se fait suite à une procédure judiciaire à l'initiative dudit ministre. Cette procédure n'a pas été respectée et la radiation a été effectuée sur la base d'une contestation par une militante instrumentalisée par le pouvoir. Le Comité des droits de l'homme des Nations unies saisi, à cet effet, a exigé ce mardi 29 juillet 2025 des autorités ivoiriennes à « prendre toutes les mesures nécessaires » pour garantir que Tidjane Thiam, Président du principal parti d'opposition, « puisse exercer ses droits politiques ».
Le Premier ministre Guillaume Kigbafori SORO a été contraint à l'exil en violation de l'article 22 de la constitution ivoirienne. Il a été condamné par contumace à la prison à perpétuité en juin 2021 sous le fallacieux prétexte de tentative de coup d'Etat et atteinte à la sûreté de l'Etat. Avant cette décision de justice, le Président Ouattara avait déjà déclaré en octobre 2020 au sujet de Guillaume Soro : « Pour lui, ce sera la prison à perpétuité »
2- Sur le refus catégorique d'un 4ème mandat présidentiel anticonstitutionnel de monsieur Alassane Dramane Ouattara
La Constitution de la République de Côte d'Ivoire en son article 55 dispose que « le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n'est rééligible qu'une fois. L'article 183 relative à la continuité législative énonce que « la législation actuellement en vigueur en Côte d'Ivoire reste applicable, sauf l'intervention de textes nouveaux, en ce qu'elle n'a rien de contraire à la présente Constitution. ». Après une première violation en 2020 pour exercer un 3ème mandat anticonstitutionnel, le Président Ouattara a annoncé le 29 juillet 2025 sa candidature à un 4ème mandat.
3- Sur la réforme totale de la Commission électorale assujetie au pouvoir en place
Dans le but d'obtenir un audit de la liste électorale, un découpage électoral démocratique reflétant la réalité géographique et démographique du terrain et mettre un terme à l'absence de mécanisme garantissant la désignation en toute transparence des membres de la CEI et au déséquilibre manifeste de l'institution, nous, Représentations extérieures des partis politiques d'opposition de l'alliance Front commun, demandons une réforme totale de la Commission électorale dite indépendante qui est inféodée au RHDP et qui favorise la fraude électorale. À cet effet, nous exigeons qu'une personnalité de la société civile reconnue pour sa probité dirige cette commission qui sera totalement indépendante des partis politiques.
4- Sur la révision et l'audit de la liste électorale
Dans le but d'obtenir une liste électorale consensuelle épurée des irrégularités, nous exigeons l'audit de la présente liste électorale et l'ouverture d'une nouvelle révision de la liste électorale avant l'élection présidentielle d'octobre 2025 car l'examen de la liste issue du dernier enrôlement révèle 6 millions de cas d'irrégularités sur un total de 8 millions d'électeurs, soit 75 % du corps électoral. Ces irrégularités, pourtant sources de contentieux, sont ignorées par la commission actuelle, présidée par Mr Coulibaly Kuibiert, entièrement inféodé au pouvoir en place.
5- Sur la garantie des liberté d'expression, de manifestation et d'association
Depuis l'accession au pouvoir de Mr Alassane Dramane Ouattara , les droits fondamentaux et les libertés individuelles et collectives des Ivoiriens sont constamment violés : Députés arrêtés ou poursuivis pendant leur mandat (Alain Lobognon , Issiaka Fofana). Journalistes assassinés, emprisonnés ou inquiétés (Désiré Oué rédacteur en chef de la Revue « Tomorrow Magazine » abattu le 19 novembre 2013, d'une balle dans la poitrine à son domicile par des hommes armés ; l'assassinat du journaliste Sylvain Gagnetaud qui travaillait à la radio communautaire de la mairie de Yopougon ; Le journaliste Coulibaly Balla de « Le Quotidien d'Abidjan », interpellé en 2015 pour atteinte à la sûreté de l'Etat ; 6 journalistes de presse proches de l'opposition ont été arrêtés en février 2017 accusés de publier de fausses informations sur une mutinerie militaire).
Arrestation extrajudiciaire des membres de la société civile
Le Ministre Dosso a été arrêté le 5 octobre 2024 à son domicile à Bingerville par un groupe d'hommes armés et cagoulés, sans présentation de mandat judiciaire ainsi que Mr Armand Krikpeu, Secrétaire général du mouvement de la société civile « Agir pour le peuple » pour avoir dénoncé la cherté de la vie ; tous deux sont condamnés respectivement à 18 et 24 mois de prison ferme ; le Dr Gervais Boga Sako de la FIDHOP en exil aux Etats unis depuis la mi-juin).
Harcèlement judiciaire des membres de l'opposition
PPA-CI: Damana Adia Pickass , 2e vice-président du Conseil stratégique et politique est condamné le 12 février 2025, à 10 ans de prison ferme dans l'affaire de l'attaque du camp militaire Anokoua Kouté en 2021 pour atteinte à la défense nationale, association de malfaiteurs et complot contre l'autorité de l'État. Il lui est interdit de paraître sur le territoire national pendant 5 ans (hors sa région natale et Abidjan). Justin Koua , SGA PPA-CI, condamné à 10 ans de prison ferme, pour des faits liés à la crise électorale de 2020, troubles à l'ordre public, Atteinte à la sûreté de l'État assortie de 5 ans d'interdiction de paraître sur le territoire national, à l'exception de Korhogo et Abidjan.
PDCI RDA: Innocent Yao N'Guessan , président de la jeunesse rurale du PDCI : arrêté début juin, placé sous mandat de dépôt pour « atteinte à la sûreté de l'État », en lien supposé avec l'élection présidentielle de 2020. Henri Joël N'dri Kouadio, président de la jeunesse scolaire et universitaire, pour avoir diffusé une vidéo appelant à un meeting mobilisateur, Jean Paul Djabia Kouakou , Axel N'Guetta (Macron 1er), Emmanuelli Blé , ont été interpellés par des « individus en civil » et dont « on ne connaît pas l'identité » ; tous ont été inculpés pour offense publique.
GPS: L'arrestation abusise de Mrs Kader Doumbia , Kando Souamhoro, Traoré Mamadou tous cadre de GPS et du Cmdt Fofana Abdoulaye ex aide de camp de Guillaume Soro .
Appel à Amnesty internationale.
Afin de prévenir une autre crise pré et post- électorale, nous, Représentations extérieures des partis politiques d'opposition de l'alliance Front commun, interpellons Amnesty international en vue d'exiger du régime de monsieur Ouattara l'ouverture d'un dialogue politique maintes fois sollicité par l'opposition pour discuter des revendications de l'opposition ivoirienne.
Nous, Représentations extérieures des partis politiques d'opposition de l'alliance Front Commun, exigeons :
1- La réintégration immédiate des noms des leaders de l'opposition injustement radiés de la liste électorale pour une élection inclusive.
2- Le strict respect de la loi fondamentale ivoirienne qui interdit plus de 2 mandats présidentiels.
3- La réforme totale de la Commission électorale indépendante assujettie au pouvoir en place.
4- La révision et l'audit de la liste électorale
5- La garantie des libertés d'expression, de manifestation et d'association
Fait à Paris, le 02-08-2025
Pasacal Logbo (PPA-CI)
Diomande Youdéa (PDCI-RDA)
Tamadou Fousseni ( GPS)
Dr Nehan ( CIP)
source : linfodrome.com